Un dimanche comme les autres ?
La veille un belge a pris le maillot jaune. À la télé, le soir aux infos, Maxime le Forestier avait retrouvé sa Maison Bleue, à San Francisco, dérisoire et profonde nostalgie… il a aussi raconté que Brassens, un jour, lui avait dit que « L’auvergnat, sans la musique, était un poème assez médiocre »… il me semble qu’il a dit « piètre »… et on a rigolé. Des nouvelles de New York, aussi, alors repensé à la relativité des choses et de la vie, de la Chute d’un puissant aux mensonges des uns et des autres… à la vie et à la mort et peut être à la rédemption… Pensé aussi en relisant « « Mort à Crédit », qu’Il y a 50 ans mourrait, Céline personnage complexe, parce qu’à la fois écrivain génial, artiste visionnaire et prophète, inventeur de tout le langage de notre temps et abjecte crétin antisémite et collabo. Rien à voir ? bien sur que si ! c’est Dimanche, le jour où toutes les émotions peuvent se télescoper, c’est notre messe et notre communion à nous, les athées, les sans foi ou presque… Et puis ce Dimanche matin, on compte aussi les jours qui nous séparent du retour de José Tomas. On en parle beaucoup, tous. On parle aussi du beau projet de Meryl qui voudrait traquer dans les regards, au fond de tous les yeux, le secret de l’émotion sublime, de cette vibration unique, que seul cet homme devant les Toros sait faire palpiter… On pense aussi à son projet sur Hemingway, qui n’en finit pas de ne pas trouver le financement… Hemingway ! faut-il le lire en Anglais, ou en Français ? « en Français, la musique est moins belle », m’a dit quelqu’un ce matin. Prix Nobel, tout de même l’américain. À propos de musique, Réécouté pour la dix millième fois le 2ème mouvement de la 7 eme de Beethoven, le matin en faisant la vaisselle, (ce qui ne rentre pas dans la machine, personne n’est parfait), Cassé un verre, 7 ans de bonheur. Peut être qu’un jour, un fou génial, pourrait toréer sur ce sublime allegretto ? Pour le soir d’après, prévu de regarder encore « Full metal jackett » construit comme une corrida. Me suis souvenu que dans un autre film de Kubrick, « Lolita », la « petite » avait dans sa chambre des images de tauromachie, les temps changent. Arrosé les plantes de la terrasse avant de partir, elles souffrent parce qu’on ne sait plus à quels saints de glace se fier. Pensé aux régions où il n’y a plus d’eau et où l’herbe est jaune et à celle où il y en a trop eu cet hiver et où on dit que les Toros y perdent leurs sabots… va savoir… Pensé que pour beaucoup c’est la vacances, qu’il va y avoir de premiers amours, des ratages, de grandes et belles histoires, de plus petites et des moins belles, en tout cas on va s’aimer. Il y aura aussi des châteaux de sable et la mer qui va monter à chaque fois, et des châteaux de sable à nouveau et la mer encore et encore… Pensé que beaucoup vont aller aux arènes pour voir, comme nous, il y a des siècles ; et que certains vont y rester et d’autres ne jamais y revenir, qu’il va y avoir des bouchons sur les routes mais plus jamais les heures d’attentes à la frontière quelque part du côté d’Hendaye…
Pensé que nous allions nous retrouver ce dimanche aux arènes de Lutèce… que ça allait être agréable d’être ensemble tranquillement et d’essayer et de réessayer de trouver le geste, l’harmonie, et d’entendre la musique silencieuse du toreo… On fut loin du compte : ce sont les anti taurins qu’on a entendus, hystériques, violents et menteurs. Ceux là qui pensent pouvoir construire un monde meilleur en étant contre quelque chose ! illusoire bien sur mais ça les occupe. Ce militantisme braillard et provocateur a probablement des vertus contre les névroses. Mais, il ne s’est rien passé, nous sommes tous restés calmes et posés face à l’agression. Entre Pierre qui a manié la cape jusqu'au bout, sans ciller, calmement, entre les "Pétasses" ( Pétasse fille appartenant ou sympathisante au Peta , évidemment, n'y voyait aucune connotation vulgaire... voyons) et Vincent continuant lui aussi, imperturbablement, fermement, à citer un toro brave, qui n'en finissait pas de charger... (Il aura mérité l'indulto, tant il fut brave et noble ce toro de salon...)Et tous les practicos maladroits ou plus habiles, qui furent exemplaires de sang froid et de colère contenue... Et pour finir, après le bruit et la fureur, il y a eu ce déjeuner sur l'herbe avec des enfants, de jolies femmes, des mecs sympas, jeunes et moins jeunes, tous heureux de ce beau moment de vie parisienne, avec de nouveaux adhérents enthousiastes, venus de Belgique d'Italie, de Nîmes, des coups de rosé frais, du Jamon Belgico ibérique, des salades fraiches et des melons au porto, "c'était bon et ça t'avait une de ces gueules !" Alors Les gagnants dans l'histoire, c'est bien nous, parce qu'hier l'aficion a encore prouvé qu'elle était plurielle, comme on aime, chaleureuse et conviviale et bon enfant, mais aussi responsable et solidaire... Et au fond on pourrait dire que les anti nous ont permis de prouver encore une fois que la tauromachie est aussi un humanisme, (pour parodier un philosophe qui par ailleurs a aussi aimé les toros !) En rentrant, repensé, pour finir ce Dimanche, à cette phrase glanée dans le dernier opus de Francis Marmande que les anti taurins ne liront pas, à propos de Masson et de Bataille… « La corrida les entraine plus loin encore, dans ce monde incertain de comédie funèbre où l’homme rejoue le temps d’avant sa séparation du monde animal. Elle est « l’un des de ces points critiques dont la fonction dans l’ordre général des choses est de nous mettre en contact avec ce qu’il y a au fond de nous de plus intime, en temps ordinaire de plus trouble, sinon de plus interminablement caché… »( Leiris) Et en fermant la lumière, le soir, je me suis dit que décidemment ce fut un beau Dimanche…